Le temps qu’il fait à San Francisco

C’était un après-midi nuageux, et un boucher italien vendait une livre de viande à une très vieille femme, mais Dieu seul sait ce qu’une femme si vieille peut bien faire d’une livre de viande.

Elle était trop vieille pour tant de viande. Peut-être était-ce pour une ruche, et peut-être avait-elle cinq cents abeilles dorées à la maison, qui attendaient la viande, leurs corps gorgés de miel ?

— Qu’est-ce que vous voulez comme viande aujourd’hui ? dit le boucher. Il y a du bon hamburger ; bien maigre.

— Je ne sais pas, dit-elle. Ce n’est pas la même chose, le hamburger.

— Ouais, bien maigre. Je l’ai haché moi-même. J’ai mis beaucoup de viande maigre dedans.

— Du hamburger, il me semble que ce n’est pas ce qu’il faut, dit-elle.

— Si, dit le boucher, c’est tout à fait le jour pour du hamburger. Regardez dehors. Il y a des nuages. Certains de ces nuages sont gonflés de pluie. Moi, je prendrais du hamburger, dit-il.

— Non, dit-elle, je ne veux pas de hamburger, et je ne crois pas qu’il va pleuvoir. Je crois que le soleil va se montrer, et ce sera une belle journée, et je veux une livre de foie.

Le boucher était stupéfait. Il n’aimait pas vendre du foie aux vieilles dames. Il y avait quelque chose là-dedans qui le mettait très mal à l’aise. Il ne voulait plus lui parler.

À contrecœur, il coupa une livre de foie d’un énorme morceau rouge, l’enveloppa dans du papier blanc, et le mit dans un sac brun. Tout cela lui était très désagréable.

Il prit l’argent, lui rendit la monnaie, et retourna à son étal de volailles pour essayer de se calmer.

En se servant de ses os comme des voiles d’un navire, la vieille femme sortit dans la rue. Portant le foie comme si c’était un trophée, elle alla jusqu’au bas d’une rue en pente.

Elle la monta, et comme elle était très vieille, cela lui était pénible. Elle se fatiguait, et plusieurs fois avant d’arriver en haut, elle dut s’arrêter pour souffler.

C’est en haut de la rue qu’elle habitait : une haute maison de San Francisco, avec de larges baies qui reflétaient un ciel couvert.

Elle ouvrit son sac à main qui ressemblait à un petit champ en automne, et près des branches tombées d’un vieux pommier, elle trouva ses clés.

Puis elle ouvrit la porte. Cette porte était une vieille amie en qui elle avait confiance. Elle lui fit un petit signe de la tête, et entra dans la maison, puis, au bout d’un long corridor, entra dans une pièce qui était pleine d’abeilles.

Il y avait des abeilles partout dans la pièce. Des abeilles sur les chaises. Des abeilles sur la photo de ses défunts parents. Des abeilles sur les rideaux. Des abeilles sur un très vieux poste de radio autrefois à l’écoute des années trente. Des abeilles sur son peigne et sur sa brosse.

Les abeilles vinrent vers elle et l’entourèrent affectueusement, tandis qu’elle défaisait le paquet et posait le foie sur un plateau d’argent obscurci qui se transforma bientôt en un jour de soleil.

La Vengeance De La Pelouse
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